Musique des chambres (2009)
Os
Cette œuvre est un ensemble de quatre sculptures, répliques apparentes d’un quatuor à corde (deux violons, un alto et un violoncelle) mais entièrement réalisé en os et sans cordes. Chacun de ces artefacts est présenté allongé sur un socle tel un gisant.
Ce travail est conduit par une réflexion sur les différentes existences extrêmes de la musique. Tantôt guidée par une quête d’absolue beauté et dont le silence pourrait être le point d’orgue, tantôt un outil intrusif de manipulation et d’asservissement. Dans le sublime et dans l’horreur, dans la recherche de pureté créatrice ou dévastatrice, la musique est étroitement liée à la puissance. J’ ai pensé et réalisé cette œuvre dans cette tension entre deux extrémités. Guidé aussi par l’évocation de témoignages des camps de concentration nazis qui ont vu coexister la puissance de la musique en tant que résistance spirituelle (l’art en tant que moyen de survivance) et aussi en tant que puissance effroyable de mise au pas, d’avilissement et de torsion radicale des valeurs qui font l’humanité (mises en scène et en musique d’exécutions publiques de tortures…) Primo Levi en parlait comme un « maléfice », une « hypnose du rythme continu qui annihile la pensée et endort la douleur. »
Pascal Quignard dans « la haine de la musique » évoque aussi: « Quand la musique était rare, sa convocation était bouleversante comme sa séduction vertigineuse. Quand la convocation est incessante, la musique repousse. Le silence est devenu le vertige moderne. Son extase. J’interroge les liens qu’entretient la musique avec la souffrance sonore. »
L’usage de la matière os, vient elle aussi percuter notre imaginaire dans ce qu’elle a de « premier » et de « dernier » et aussi en contrepoint de notre société actuelle qui par sa consommation aseptique de viande a sue faire disparaitre une telle quantité de matière physique et symbolique que sont les os, le sang, les viscères, la peau…